lundi 4 août 2008

Louis Armstrong - La Vie en Rose

"J'ai toujours su qu'elle vie nous mènerions ensemble. Du premier jour, j'ai entrevu les fastes pour lui, loin de moi, les autres femmes, la carrière d'un séducteur au talent fou, miraculeux ; un prince, un seigneur sans cesse en chasse hors de ses murs et qui, d'année en année, s'éloignerait toujours un peu plus, ne me verrait même plus, transpercerait mon âme hantée de ses yeux pour embrasser, au-delà, une vue qui m'échapperait. Je l'ai toujours su et cela ne comptait pas. Seul comptaient ses retours et il revenait toujours et cela me suffisait, d'être celle à laquelle on revient, distraitement, vaguement - mais sûrement. Si vous saviez, vous comprendriez... Si vous saviez quelles nuits j'ai passées, quelles nuits dans ses bras, tremblante d'excitation, morte de désir, écrasée de son poids royal, de sa force divine, heureuse, si heureuse, comme la femme amoureuse dans le harem les soirs où vient son tour, quand elle reçoit avec recueillement les perles de ses regards - car elle ne vit que pour lui, pour ses étreintes, pour sa lumière. Peut-être la trouve-t-il tiède, timide, enfantine ; au-dehors, il y a d'autres amantes, des tigresses, des chattes sensuelles, des panthères lubriques, avec lesquelles il rugit de plaisir, dans une débauche de râles, de gymnastique érotique, et quand c'est fini, il a l'impression d'avoir réinventé le monde, il est gonflé d'orgueil, gonflé de foi en sa virilité - mais elle, elle jouit d'une jouissance plus profonde, d'une jouissance muette, elle se donne, elle se donne tout entière, elle reçoit religieusement et c'est dans le silence des églises qu'elle atteint le pinacle, presque en catimini, parce qu'elle n'a besoin que de cela : de sa présence, de ses baisers. Elle est heureuse."
Extrait de Une gourmandise de Muriel Barbery

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